Je n'ai pas de limites quand l'encre coule sur toi car j'écris pour tes yeux. Les yeux dans les ventricules de ton cœur. Sans le cœur, on ne voit pas. À quoi sert d'entrer en mouvement si on ne
regarde pas le paysage ? Mon paysage ce sont tes yeux qui me liront. Pour que cette vague qui me submerge prenne un sens et lèche ton sable, chaque grain de ton être. L'écriture jusqu'au
tressaillement. Oui
j'écris pour me relier à ton sang. Je n'ai pas d'horaire pour ce faire. Ça me
prend. C'est un élan. L'écureuil remonte rapidement dans l'arbre en poussant un cri aigu. L'écriture est un cri. Elle ne se programme pas. Elle bat dans les tempes et sort pour faire valdinguer
le grand vide de l'existence. J'ai un support privilégié pour accueillir mon encre, c'est un cahier à grands carreaux. Je tiens à ces grands carreaux comme on tient à ses plus beaux souvenirs
d'enfance. C'est là qu'elle m'a élue cette sensation sauvage de l'écriture, les pieds dans la vase de mon être en devenir, envoyant des baisers vers le ciel, ivre de vivre. Mon écriture est un
trop-plein filtré par cette nécessité de dire ce qui n'a jamais été dit. Il y a des œuvres inutiles et des fantasmes qu'on doit laisser au niveau terreux de la nuit, dans la marmite grouillante
de l'inconscient, dans l'absurde de l'épanchement. Dans ce cas je danse pour faire couler l'insoutenable dans les jambes. Et lâcher les voix. Crinières galopantes en moi. La quête du vrai.
Desserrer les mâchoires. Laisser éclore le monstre et l'espoir pour que naissent les personnages. Ces envers et ces endroits de moi. Entre dans mon château d'encre. Toi, ce coeur qui voit. Mon
Autre. Mon lecteur. Toi qui réveille la lumière de chaque visage évanoui dans les pages !
Photo réalisée à Strasbourg
© Juliette Mouquet