Balade poétique avec le musée Marguerite Yourcenar, extraits...

Balade en soirée sur le Mont-Noir  

" LE VOYAGE, UNE POETIQUE DES LIEUX DE MARGUERITE YOURCENAR "  

Vendredi 13 juin 2014 – 19h-22h  

 

 

1) Arrêt à La Becque du Mont-Noir  

 

Voir le jour Apparaître au monde

A l'origine du mot, la source

À l’émergence de la source,

Des voies d'encre sont passées

Des voix se sont ancrées

  Dans l’abreuvoir se mire une dent de lait, tombée,

Qui essaie encore de parler 

 

Juliette Mouquet, Extrait de Fragments d'une poésie urgente 

 

2) Arrêt à la Houblonnière 

 

« Dans les marécages gorgés d’eau, un canard plonge, un cygne qui prend son élan pour regagner le ciel fait son énorme bruit de voiles déployées ; les couleuvres glissent silencieusement sur la mousse ou bruissent sur les feuilles sèches ; de raides herbes tremblent au haut des dunes au vent d’une mer que n’a encore salie la fumée d’aucune chaudière, l’huile d’aucun carburant, et sur laquelle ne s’est encore aventurée aucune nef. Parfois, au large, le jet puissant d’une baleine ; le bond joyeux des marsouins tels que je les ai vus, de l’avant d’un bateau surchargé de femmes, d’enfants, d’ustensiles de ménage et d’édredons emportés au hasard, sur lequel je me trouvais avec les miens en septembre 1914, rejoignant la France non envahie par la voie de l’Angleterre ; et l’enfant de onze ans sentait déjà confusément que cette allégresse animale appartenait à un monde plus pur et plus divin que celui où les hommes font souffrir les hommes »

Marguerite Yourcenar, Extrait d'Archives du Nord

 

 

 

3) Arrêt à l'entrée du Parc sous le, Gingko biloba 

 

Constantinople  

J'ai vu Constantinople étant petite fille

Je m'en souviens un peu

Je me souviens d'un vase où la myrrhe grésille

Et d'un minaret bleu.  

Je me souviens d'un soir aux Eaux-Douces d'Asie

Soir si traînant, si mou

Que déjà, comme un chaud serpent la Poésie

S'enroulait à mon cou.  

Une barque passa, pleine de friandises

O parfums balancés.

Des marchands nous tendaient des pâtes de cerises

Et des cédrats glacés.

Une vieille faisait cuire des aubergines

Sur l'herbe, sous un toit.

Le ciel du soir était plus beau qu'on n'imagine, J'avais pitié de moi.  

Et puis j'ai vu cerné d'arbres et de fontaines,                                                      

Un palais rond et frais.

Des salons où luisait une étoile d'ébène

Au milieu des parquets.

Un lustre clair tintait au plafond de la salle

Quand on marchait trop fort

 J'étais ivre d'ardeur, de pourpre orientale

Mais j'attendais encore.  

 

J'attendais le bonheur que les petites filles

Rêvent si fortement

Quand l'odeur du benjoin et des vertes vanilles

Évoque un jeune amant

Je cherchais quelle aimable et soudaine aventure

Quel enfantin vizir

Dans ce palais plus tendre et frais que la nature

Allait me retenir.

Ah ! si, tiède d'azur, la terre occidentale

Est paisible en été,

Les langoureux trésors que l'Orient étale Brûlent de volupté. […] 

 

Anna de Noailles, Extrait dans Les Éblouissements 

 

4) Arrêt à la Ferme Capoen 

Le voyageur

 

Les Amandiers fleurissent sous tes pieds

Quand ton cœur chaud cesse de saigner

Les lilas s’agenouillent devant toi

Au coin des rues et des peines perdues  

Les oliviers t’ont regardé passer

Sans te retenir, leur sève a pleuré

Les dunes et les steppes s’allongent

Au crépuscule de tes pas  

La somnolence de la terre

Se gonfle de ton errance

Tu dors sous le toit du monde

Et tu songes, désinvolte,

Sous la coupe du ciel 

 

Juliette Mouquet, Extrait d' En Marchant